mercredi 8 mai 2013

Mémoire, mon beau mémoire...

Je suis à ma table, prête pour écrire. Je suis douchée, nourrie, j'ai passé trois quart d'heures à ranger ma chambre. Hé oui, un esprit sain dans une chambre nickel ! L'ordi est allumé, ouvert sur le fichier Word de mon mémoire. Le titre s'affiche en rouge, gras, police 16, surligné, souligné, encadré : "LES VIOLENCES SCOLAIRES".
Celle qui aurait bien besoin d'être encadrée, c'est moi. La petite barre de position clignote, me narguant. Bon, je vais partir de cet article de journal dans le Nouvel Obs. "Racket et harcèlement", ça c'est concret. Tiens, mais il y a aussi un article sur les six destinations phares du moment ! Les profondeurs glacées du lac Baïkal me donnent des frissons dans le dos. Vite, un gilet. Mais lequel? Cachemire gris. Trop chaud. Je vais aller me préparer un petit thé tiens ça me lancera dans mon travail. Dans la cuisine, la radio est allumée : les trois jeunes filles américaines disparues puis retrouvées. La vie n'est pas si moche ! En ressortant, je croise une jeune fille au teint d'albâtre. Mais c'est moi, ce linge immaculé sur pattes ! Il faut tout de suite que j'aille prendre un peu le soleil. Tant qu'à faire je n'ai qu'à aider ma mère à arracher quelques herbes. Les mains dans la terre, il n'y a que ça de vrai. Et tout de suite après, je retourne aux enfants malmenés et autres petits Chose et Ducobu. La matinée s'étire, les pissenlits se laissent arracher avec un tendre abandon. Maman me parle, par petits à-coups, des choses de la vie, tout en se baissant vers la terre tiède. Et si on faisait un poulet à l'ananas pour le déjeuner? Il faut aller mettre les raisins secs dans un bol d'eau pour qu'ils gonflent.
Dans ma chambre, la barre de position clignote toujours, comme un chien fidèle qui halète tranquillement en attendant que sa maîtresse ait fini de procrastiner. Demain, c'est sûr, je mets le paquet !
One day, baby...


mardi 7 mai 2013

Qu'est ce que j'ai dans ma p'tite tête...



Quand j'étais lycéenne, j'avais beaucoup de secrets.
Il fallait que je les sorte de ma tête à tout prix. C'était ça où me ruer sur mon lit en rentrant de cours pour pleurer [beugler serait plus adéquat] en écoutant "Bad Day"de Daniel Powter , "Hallelujah" de Jeff Buckley ou, quand mon iPod rose devenait un vrai doudou, "Blonde on Blonde" de Nada Surf. Puis, une fois les sanglots mouchés, je me dirigeais vers la cuisine familiale pour engloutir un bon goûter à ma façon : pain tartiné copieusement de confiture, carrés de chocolat noir parsemés dessus, micro-ondes, ça dégoulinait, je me brûlais la langue, c'était bon. Mes frères faisaient une mine dégoûtée en attrapant une clémentine. Les mots sortaient dans le goût un peu salé des larmes et les pensées noires récalcitrantes étaient promptement enfouies sous une couche épaisse d'onctuosité.

J'ai tenté le journal intime. Je rêvais du modèle avec clé en forme de coeur et loquet ultra-perfectionné. J'aurais écrit dessus GARE AUX FOUINES en feutre doré. Mais on n'avait que des cahiers tout bêtes à la maison. Par peur d'être lue par un frangin curieux ou une mère inquiète, je n'écrivais dedans que des banalités. "Au self on a eu des steaks hachés immondes. De vraies semelles. Avec Clotilde on les a planqués dans les carafes en inox. Ha ha! " Rien qui ne vaille le coup d'étreindre son iPod en chouinant.

En Seconde, on a eu la calculatrice graphique. Et là, révélation. Madame Lécuyer nous expliquait, raide dans sa blouse blanche, comment créer des programmes dans ladite calculette. La classe se mit à bruisser, réalisant qu'avec l'alphabet permis par ces grosses machines, on pourrait taper les cours dedans et les utiliser en interro. A nous les vingt sur vingt en maths ! Et à moi mon défouloir privé ! En effet, on pouvait mettre des codes secrets pour verrouiller nos programmes. J'ai ainsi passé mes trois années de lycée à taper laborieusement tous mes petits bonheurs et gros problèmes dans ma calculatrice graphique. Laborieux n'est pas en vain mot. Il fallait, langue sortie, appuyer sur trois touches à la fois pour écrire une lettre.

Je ne sais pas ce qu'est devenu ma Casio verte. Probablement léguée à un cousin, qui découvrira peut-être un jour mes fiévreux atermoiements sur la prof sadique et la prise de kilo terrible. Honte.

J'ai continué à utiliser les machines, écrivant des bribes rageuses ou heureuses dans les Notes de mon portable.

Mais aujourd'hui ça ne me suffit plus. Ça tournicote dans ma tête, ça tricote dans mes doigts. Alors que le blog soit !

https://www.youtube.com/watch?v=9FKw74v8BY0